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April 6, 2020

«Les leçons du Sras n’ont pas été tirées» - Page 2 | Mediapart
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Pendant le Sras, Pascale Brudon était représentante de l’OMS au Viêtnam, aux côtés du médecin Carlo Urbani, premier à avoir identifié ce nouveau virus, et qui en est mort. Elle juge très sévèrement l’oubli des leçons de cette épidémie, le rôle de l’OMS aujourd’hui, et la complaisance vis-à-vis de la Chine.

" On aurait dû apprendre plein de choses de ce succès mondial remporté contre le Sras : d’abord, que de nouveaux virus peuvent toujours apparaître, créant parfois de grandes épidémies et mettant en danger la santé et les moyens de subsistance de beaucoup de monde, qu’il est donc nécessaire d’être vigilant et de comprendre les origines des virus et les liens entre santé humaine et écologie.

Ensuite, que nous vivons dans un monde où l’intensité des échanges aériens a un rôle crucial dans l’extension des épidémies et que ce qui se passe en Chine ou ailleurs peut nous toucher très rapidement et très directement, d’où l’importance de la transparence et de l’échange d’informations, d’une collaboration et d’une coordination internationales efficaces et d’agences internationales fortes et suffisamment financées.

Enfin, que la santé publique, l’épidémiologie, la prévention et l’anticipation des risques sont les premières armes et que des systèmes de santé affaiblis par des années de coupes budgétaires et de politiques d’ajustement structurel et non préparées à ce genre de risques ne peuvent les assumer. "

"Si on avait été plus attentifs début janvier à ce qui se passait en Chine et aux mensonges des années Sras, on aurait certainement aujourd’hui beaucoup moins de morts, de gens confinés et une économie qui pourrait fonctionner. "

" Une autre leçon importante est que même si on sait beaucoup de choses sur les liens entre santé animale et santé humaine, nous n’en avons pas tiré toutes les conséquences. Les pays frontaliers de la Chine ont, eux, bien compris qu’il y avait là un véritable sujet, que l’urbanisation galopante, la destruction des écosystèmes et l’ouverture des routes de la soie qui détruisent les jungles nous rapprochent des chauves-souris et des virus qu’elles abritent. En outre, la Chine n’a pas régulé les marchés d’animaux sauvages comme elle était censée le faire en 2004 et n’a pas ratifié la Convention de Washington de 1973 sur le commerce des espèces menacées d’extinction, dont le pangolin, suspecté d’être l’hôte du virus, fait partie. Le 24 février, elle vient d’interdire tout commerce et consommation d’animaux sauvages mais elle ne dit rien de leur usage en médecine traditionnelle. "

" Les pays frontaliers de la Chine ont aussi conscience que celle-ci n’est pas transparente. On a commencé par dire que, contrairement à l’épidémie de Sras, la Chine avait joué la transparence, mais en réalité on voit bien que le chiffre des morts du Covid-19 est sans doute complètement sous-estimé. Une différence importante par rapport à 2003 est que la Chine est aujourd’hui toute-puissante et que personne n’ose la contredire, même quand elle fait de la propagande. Nous sommes éblouis par la puissance chinoise, et cela nous fait perdre notre sens critique. Quand les autorités ont annoncé qu’elles construisaient, à Wuhan, deux hôpitaux supplémentaires, tout en expliquant n’avoir que quelques centaines de cas de coronavirus, cela aurait dû nous alerter."

"On voit bien que dans cette nouvelle épidémie, l’OMS et son directeur général sont inaudibles. D’autre part, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus a une responsabilité importante dans ce qui se passe, notamment pour avoir endossé le discours de la Chine pendant de nombreuses semaines sans prendre en compte ni les lanceurs d’alerte, ni les rumeurs sur ce qui se passait à Wuhan ou ailleurs et pour avoir ensuite promu le modèle chinois de gestion de cette nouvelle maladie. Il a ainsi retardé la prise de conscience au niveau mondial et la mise en place de mesures urgentes. Et a décrédibilisé l’organisation."

"Je ne pense pas qu’en 2003, la Chine aurait pu ainsi imposer sa version de l’histoire. Mais l’OMS est aussi ce que les États en font, les États ont repris la main, et c’est le chacun pour soi."

"Je me souviens qu’au moment du Sras, beaucoup d’équipes sont venues au Viêtnam nous aider et apprendre de notre gestion de la crise. J’ai vu passer beaucoup de gens très qualifiés, mais quasiment personne de France, je ne sais pas vraiment pourquoi. Les intérêts nationaux ? Les intérêts économiques et la volonté de découvrir le virus et le vaccin les premiers ? Ou le sentiment qu’on peut faire mieux tout seul… Peut-être que le moment difficile que nous traversons pourra nous faire réfléchir"

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