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" la Terre n’est pas assez grande. Selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les forêts et les sols pourraient absorber quatre gigatonnes des émissions anthropiques de CO2 en 2050 dans un monde où nous aurions stoppé la déforestation, protégé nos forêts et planté des arbres un peu partout. Ces quatre gigatonnes suffiraient tout juste à compenser nos émissions incompressibles pour parvenir à l’équilibre climatique – par exemple une partie de celles issues de l’élevage. Les forêts n’auraient pas le potentiel de compenser en plus le CO2 de Total. « Total s’approprie une denrée rare, prenant de vitesse ses concurrents. Mais ceci ne fait que diminuer le gisement potentiel sans changer grand-chose au fait qu’il n’y a pas assez de terres disponibles pour compenser les émissions imputables aux énergies fossiles », complète Alain Karsenty, socio-économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), spécialiste des forêts."
"Il y a ensuite un problème d’équivalence : un arbre ne vaut pas un baril. Pour faire simple, quand Total émet une molécule de CO2, une partie va rester très longtemps dans l’atmosphère, jusqu’à plusieurs siècles, et contribuer tout ce temps au réchauffement climatique. L’arbre, lui, ne séquestre le CO2 que le temps incertain de sa vie. Pour compenser les émissions du groupe, les acacias Total devront rester debout contre vents et marées, et devenir centenaires."
" Un pari à haut risque, notamment dans un contexte de réchauffement climatique. Le taux de mortalité des arbres pourrait largement augmenter en raison de la multiplication des sécheresses, maladies et incendies. Dans un futur à 2 degrés supplémentaires, la plupart des forêts pourraient même perdre leur rôle de « puits de carbone ». "
"Pour compenser avec les arbres, il faut non seulement croire beaucoup en l’avenir mais aussi très peu en l’argent… Car si vous exploitez une forêt – et promettez à ses voisins du bois et des emplois, comme dans le projet de Total –, le carbone séquestré va rapidement finir stocké dans du bois commercialisé. Sa durée de vie est alors réduite : entre un mois pour le bois énergie et soixante-quinze ans pour une charpente, selon l’Institut technologique FCBA. À la fin du cycle, le bois sera parti en fumée et le CO2 toujours dans l’air. « Séquestrer du CO2 dans du bois et le brûler, c’est exactement comme ne rien faire »,"
" la compensation par le biais de l’augmentation des puits des carbone naturels est une idée valable, dans une certaine mesure, à l’échelle planétaire, pas à l’échelle d’une compagnie pétrolière."
"« L’optimisation carbone peut s’avérer désastreuse pour la biodiversité, les sols et le cycle de l’eau », résume le forestier Arnaud De Grave. Elle pose aussi d’autres questions, comme l’accaparement des terres ou l’impact sur les populations. Pour éviter de pourrir la planète en réduisant le carbone, « les labels – qui tentent de se construire une légitimité – n’arrêtent pas de développer de nouveaux critères, de la biodiversité à l’impact sur les femmes », détaille la sociologue Alice Valiergue. Total tente de cocher le plus de cases possibles pour être inattaquable. "
"Même en gonflant les pronostics de séquestration, la nouvelle forêt de Total « compensera » 0,1 % des émissions annuelles du groupe à leur rythme actuel. Même si la multinationale atteignait son objectif affiché de 5 millions de tonnes de CO2 séquestrée chaque année en 2030 grâce à un investissement colossal de plus 1 milliard sur dix ans, on arriverait à… 1 %."