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Les dix-sept rendez-vous cachés entre Emmanuel Macron et le fondateur d’Uber, Tracy Kalanick, les 50 échanges pour faire lever les obstacles réglementaires, bloquer les investigations judiciaires et fiscales, les manœuvres pour réécrire la loi nous renvoient, pour notre plus grande honte, à des pratiques de république bananière, où certains, profitant de leur position, entendent favoriser les intérêts privés au détriment de l’intérêt général, où la duplicité et la déloyauté à l’égard de toutes les formes de démocratie deviennent la norme.
Ce à quoi le monsieur répond aujourd'hui même :
" « Je l’assume à fond. Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. » "
« Tout était officiel », assure aujourd’hui Emmanuel Macron pour justifier son rôle auprès d’Uber. Pourtant, aucune des rencontres avec le fondateur d’Uber n’a été inscrite sur son agenda officiel. Interrogés, les ministres de l’époque et, parmi eux, les premiers concernés, Michel Sapin, alors ministre des finances, et Alain Vidalies, ministre des transports, disent « tomber des nues ». Jamais ils n’ont été informés des discussions et des démarches entreprises par le ministre de l’économie.
Ce n’est pas la première fois que l’existence d’une sorte d’« administration parallèle » est mise au jour dans le parcours d’Emmanuel Macron. Dès son arrivée au secrétariat adjoint de l’Élysée, il a institué des circuits opaques, en dehors du fonctionnement normal des institutions.
L’affaire Alstom est la plus emblématique : dès septembre 2012, en dehors de toute concertation avec les ministres concernés, le jeune secrétaire adjoint de l’Élysée commençait à organiser la cession des activités électriques du groupe français à General Electric, dans la plus totale opacité. Mais la façon dont ont été traités le rachat d’Alcatel par Nokia, le dépeçage de Technip par son concurrent américain FMC, l’exécution de Lafarge par le suisse Holcim, la fermeture d’une partie de la recherche du groupe Sanofi, tend à prouver que la pratique est bien ancrée
Mais rien n’aurait été possible si Emmanuel Macron n’avait pas bénéficié de soutiens explicites au sein de l’appareil d’État. Cela fait des années, désormais, que des chercheurs et des universitaires alertent sur la décomposition de la haute administration, sur le minage intellectuel des élites. Définitivement convertie aux mérites du néolibéralisme, une majorité de ces hauts fonctionnaires ne voit l’État que comme une partie prenante comme les autres, qui doit se soumettre aux règles du privé. Mieux : l’État doit se mettre au service des intérêts privés, toute notion d’intérêt général ayant été balayé au passage
Désormais, les lobbies ont table ouverte dans les différents ministères, sans qu’il soit possible d’évaluer leur action : Bercy et l’Élysée s’opposent à toute mesure de transparence. Le privé s’est installé à tous les étages de l’action publique, comme l’a révélé la commission d’enquête sénatoriale sur les cabinets privés de conseil. La réforme de la haute fonction publique permettant les allers et retours entre public et privé, enterrant toute règle sur les conflits d’intérêts, vient parachever cette reddition en rase campagne.