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Avec toutes les pincettes qu'il est bon d'avoir face à une seule enquête et face aux statistiques.
(pour les non abonnés j'ai mis en bas de page un lien vers l'article complet en pdf)
Quelques extraits subjectifs :
« Le débat public sur les valeurs des Français est plus que jamais saturé par des interprétations alarmistes. Montée de l’individualisme, déclin de la matrice républicaine et laïque, poids de l’immigration... autant de facteurs qui, conjugués à la hausse des inégalités, conduiraient à une polarisation grandissante de la société, voire à une désintégration de la cohésion nationale. Le volet français de l’enquête sur les valeurs des Européens (European Values Survey) contredit en grande partie ces thèses. Réalisée tous les neuf ans depuis 1981 dans l’ensemble des pays européens, cette enquête interroge des échantillons nationaux sur des registres de valeurs aussi variés que la morale, la sociabilité, la politique, la religion ou l’économie. L’édition 2019 démontre d’abord que le libéralisme des mœurs – relations familiales, rapport au corps ou à la sexualité – est en progression constante depuis quarante ans. Ainsi, l’acceptation du suicide et des relations extraconjugales est de plus en plus nette. Mais c’est surtout la justification de l’homosexualité, de l’euthanasie, de l’avortement et du divorce qui explose et se banalise. »
« Les jeunes des années 1980 sont aujourd’hui plus âgés mais tout aussi tolérants que les jeunes des années 2000 2010. On assiste ainsi à un phénomène de convergence, toutes les générations se retrouvant à de hauts niveaux de tolérance en matière morale. Seuls les seniors socialisés avant 1945 restent un peu plus réticents vis à vis de la liberté de choix. Deuxième constat : l’altruisme résiste à la crise. La solidarité à l’égard d’autrui suit une tendance très similaire. A rebours des thèses pessimistes, les Français sont une assez large majorité à se dire concernés par les conditions de vie de différents groupes sociaux. Certes, l’altruisme vis à vis des chômeurs et des immigrés est moins marqué que vis à vis des personnes âgées, malades ou handicapées. Mais il l’est plus que vis à vis des concitoyens ou des Européens. »
« Alors qu’on aurait pu s’attendre à un recul du fait de la grande récession (2007 2012), on assiste plutôt à une poussée de l’altruisme, notamment à l’égard des personnes âgées et des immigrés. Là encore, des facteurs structurels interviennent. C’est parmi les jeunes générations que le souci des autres a le plus progressé. Les personnes nées à partir des années 1960 ont longtemps été les moins altruistes ; ce qui a pu faire croire à un délitement du lien social. Aujourd’hui, les écarts entre générations se sont résorbés. Et les jeunes générations sont tout aussi altruistes que les autres. Une tendance d’autant plus notable que les jeunes sont parmi les plus exposés en période de crise. »
« De nombreux commentateurs ont craint que la récession économique ne conduise à un effritement des valeurs démocratiques et de l’attachement à l’Etat providence. Il est clair que les Français sont très insatisfaits du fonctionnement du système politique. Et nombreux à penser que la France n’est pas gouvernée démocratiquement. On aurait toutefois tort d’en déduire qu’ils rejettent la démocratie. Sur une échelle de 1 à 10, l’importance de vivre dans un pays gouverné démocratiquement est en moyenne notée 8. »
« la confiance des français à l’égard de l’Union européenne (UE) s’est érodée ces dernières décennies. Alors que, en 1990, 65 % des Français affirmaient avoir confiance dans la Communauté économique européenne (CEE), ils ne sont plus que 47 % à déclarer, à l’été 2018, avoir confiance dans l’UE. Dans le même temps, les Français tendent à affirmer leur attachement à leur pays plus fortement qu’il y a trente ans. En 1990, 35 % se déclaraient très fiers d’être français. Ils sont aujourd’hui 51 %. »
« La plupart des tendances présentées participent d’une dynamique plus large, qui est celle de la montée des valeurs d’individualisation. Car dans tous les domaines de la vie, les Français veulent davantage avoir leur mot à dire. Ils veulent construire librement leurs relations familiales et non pas entrer dans un moule normatif tout fait. Ils veulent que leur travail ne soit pas seulement un gagne pain mais leur permette de s’épanouir. Ils veulent pouvoir s’exprimer dans la cité et se mobiliser pour défendre certaines causes, voire changer l’organisation de la cité. Cette dynamique d’individualisation est en augmentation constante depuis quarante ans. Mais elle ne se confond pas avec l’individualisme ou l’égoïsme social qui ont, à l’inverse, tendance à refluer. Les thèses pessimistes insistant sur le déclin des valeurs et de la cohésion sont donc loin d’être avérées. En fait, plus les Français adoptent des valeurs d’individualisation, moins ils ont tendance à être individualistes. »
« Que pensent les Français de ce dilemme entre protection de l’environnement et croissance économique ? Une majorité (50 %) privilégie la protection de l’environnement au détriment de l’économie et de l’emploi. Seulement un tiers choisit l’économie. Cette préférence pour l’environnement est elle partagée de la même manière dans toutes les couches de la société ? Pas tout à fait. Depuis les travaux de Ronald Inglehart sur le développementdes valeurs dites « postmatérialistes », la protection de l’environnement est présentée comme une priorité des personnes les plus dotées en ressources culturelles et économiques. Défendre la planète serait le luxe de celles et ceux qui n’ont pas à se préoccuper de leurs conditions matérielles d’existence. »
« Du côté des préférences politiques, la priorité à l’environnement est plutôt le fait des Français très intéressés par la politique (67 %) et qui partagent les valeurs couramment associées au postmatérialisme, notamment le libéralisme des mœurs et l’antiautoritarisme. »
Article complet pdf : https://www.pacte-grenoble.fr/sites/pacte/files/files/articlevaleurs_lemonde_2019-04-26.pdf