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" Dix ans après le mouvement « indigné » parti le 15 mai 2011 des places d'Espagne, Mediapart s'est entretenu avec d'anciens participants, devenus députés, journalistes, militants. Bien que l'extrême droite domine à présent le débat public à Madrid, ils dessinent les contours d'un legs encore vivant. "
"Tom Kucharz, lui aussi, juge que Podemos n'a pas été à la hauteur des espoirs et impatiences du 15-M."
" Kucharz fut aussi, à partir de 2013, l'un des artisans de cette candidature commune des gauches, une « confluence », qui permit à Manuela Carmena de devenir maire de Madrid. Mais il ne comprend pas la gestion très verticale du Podemos des dernières années : « Si la gauche se divise, s'il y a des purges, si la démocratie interne ne fonctionne pas, si tu ne fais pas confiance à la base, si tu étouffes cette richesse que l'on avait créée avec les confluences, tu provoques une immense déception »
« Podemos s'est transformé en machine de guerre pour remporter des élections. C'est un choix rationnel. Assumer un autre mode d'organisation prend du temps, et beaucoup d'énergie. Ce n'est pas forcément compatible. Mais le résultat aujourd'hui, c'est que le niveau de politisation de la société que nous avions atteint en 2011 s'est effondré », regrette encore Tom Kucharz. De son côté, Eduardo Maura, lui, retourne la critique : « Podemos n'a pas instrumentalisé le 15-M. Il ne l'a pas non plus prolongé. Le meilleur hommage qu'il a rendu au 15-M, c'était justement de rompre avec lui, de faire les choses différemment. »
" Du lancement de Podemos en 2014 aux « confluences municipales » en 2016 - dont Barcelone en commun, emmené par Ada Colau, et Ahora Madrid, porté par Manuela Carmena –, le débat sur la nécessité de basculer dans l'arène institutionnelle traditionnelle, et de se présenter aux élections, n'a cessé de diviser les gauches espagnoles. Ada Colau, réélue en 2019 à la tête de Barcelone grâce au soutien in extremis de Manuel Valls, n'exclut plus de se présenter pour un troisième mandat, très loin des idéaux du 15-M selon lesquels la politique n'est pas un métier, et le cumul des mandats dans le temps doit être limité. "
" Eduardo Maura observe aujourd'hui l'échec des deux principales hypothèses qui, d'après lui, structuraient le mouvement indigné. « Nous avions ce biais pro-technologie, qui nous faisait croire que l'on était en train de dépasser la télévision, symbole de passivité à nos yeux, grâce aux réseaux sociaux, qui permettaient l'interactivité. Mais la télévision n'a pas disparu. » Il poursuit : « Nous pensions aussi que nous pouvions nous passer des partis, que l'on pouvait provoquer des changements dans la société en accumulant des forces par en bas. Mais Pablo Iglesias et Ada Colau se sont imposés en imprimant leur tête sur les bulletins de vote. » "
" « L’erreur du 15-M, c'est de ne pas avoir compris qu'il devait y avoir complémentarité entre mouvements sociaux et institutions », assure-t-il. Même si la monarchie espagnole est toujours bien vivante, il se dit optimiste, persuadé que « le 15-M est une émotion qui peut revenir à tout moment ». "