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" une des propositions de l’Institut Montaigne est très éloquente : elle propose de rémunérer les heures supplémentaires travaillées sous forme non plus de salaire mais de participation aux bénéfices. Autrement dit, ce travail ne serait plus payé comme un moyen de production, mais uniquement en fonction de la rentabilité du capital. Ce serait une défaite pour le travail, dont la spécificité serait niée : il ne serait pas davantage qu’un apport équivalent à celui du capital. Cela ne signifie dès lors rien d’autre que la soumission complète du travail en tant que tel, puisqu’on voit mal des salariés devenus pareils à des actionnaires contester à ces derniers le partage de la valeur ajoutée."
"Ces propositions apparaissent donc comme le symptôme de cette « Restauration du capital » à venir où, après avoir été maintenu sous respirateur artificiel par l’État pendant près de deux mois et demi, le capital va exiger une soumission complète du travail à ses intérêts au nom de « l’emploi ». Cette stratégie pourra prendre des aspects « progressistes », s’accompagnant de plans de relance keynésiens ou de « relocalisations » ponctuelles, comme la Restauration de 1815 avait donné des gages de sa « modernité » pour assurer sa politique réactionnaire"
"Cette stratégie néokeynésienne est une variante connue du néolibéralisme. Elle s’appuie sur l’idée que l’État doit intervenir, en cas de choc exogène, pour rétablir la rentabilité du capital et la « normalité » du fonctionnement des marchés. Mais cette intervention a un double aspect. D’un côté, il s’agit de relever le niveau de la demande globale pour favoriser l’emploi des capacités de production, et, de l’autre, il faut favoriser les « réformes structurelles » pour améliorer l’allocation des capitaux et faciliter les « équilibres de marché ». Autrement dit, dans cette vision, relance budgétaire et soumission du travail vont de pair."
"Cette Restauration du capital devrait donc bien s’accompagner d’une réduction de la protection sociale et de la protection de l’emploi, au nom même des créations d’emplois. Le débat en son sein pourrait donc prendre un tour inquiétant, entre ceux qui souhaitent augmenter le temps de travail et ceux qui souhaitent le fractionner en favorisant la précarité et le temps partiel, sur le modèle allemand d’une réduction subie du travail, dirigée selon les intérêts du capital. Dans les deux cas, la situation des salariés ne pourrait cependant que se détériorer. Dans le premier cas, on l’a vu, par l’augmentation du chômage et, dans le second, par la détérioration des conditions de travail et de vie."
"Il est même fort envisageable qu’une synthèse de ces deux visions finisse par s’imposer au nom de « l’emploi » : l’augmentation légale du temps de travail permettrait d’améliorer la rentabilité, tandis que la précarisation assurerait à la fois un taux de chômage faible en apparence et une baisse du coût du travail. Ceux qui se retrouveraient sur le bord de la route en raison de l’augmentation du temps de travail en seraient réduits à accepter des emplois précaires pour survivre, faisant baisser les exigences salariales durablement, ce qui est le seul salut du capital en période de stagnation séculaire.
Pour cela, il faudrait cependant une assurance-chômage plus stricte et moins généreuse, ce qui est à portée en France, où le gouvernement n’a que « suspendu » la réforme de l’assurance-chômage."