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Il l’a scrutée jusque dans ses recoins les plus sombres ne laissant rien au hasard, brassant héros et victimes, confinés et surveillants. On la mettrait bien sous sédatifs ou en coma artificiel mais les médocs et les lits manquent. Reste l’hypnose. Endormir la France pendant un mois. C’est un nouveau rôle pour celui qui affectionne les distributions théâtrales. Un rôle d’hypnotiseur pour une France inquiète, dépressive, voire traumatisée.
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Le théoricien de la guerre Karl von Clausewitz a forgé l’expression « brouillard de guerre » pour désigner le climat d’incertitudes qui prévaut pendant les guerres. Le discours d'Emmanuel Macron n’a pas dissipé le brouillard de pandémie, il l’a épaissi. Sur les taux d’infection, de létalité, sur les courbes de progression des décès, le rôle exact des masques, des tests, les modes de déconfinement, les formes de la rentrée des classes et de la reprise du travail, « rien de rassurant dans ce qu’il a dit d’exact. Rien d’exact dans ce qu’il a dit de rassurant
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Depuis son élection, Macron a changé de personnage si souvent qu’on a du mal à s’y retrouver. L’exercice du pouvoir ne va pas sans incarnation, selon Emmanuel Macron, mais avec lui l’incarnation est devenue une pure distribution. Les commentateurs en ont le tournis contraints de réécrire chaque soir la critique théâtrale d’un pouvoir costumé, virevoltant. À chaque intervention, le décor, les costumes, le scénario, le langage, changent. La fonction présidentielle n’est plus seulement un enjeu de pouvoir, soumis sous la Ve République aux lois de l’alternance, elle a acquis avec Emmanuel Macron une fonction vicariante, capable de suppléer à l'insuffisance fonctionnelle de tous les organes du pouvoir, des gesticulations, des simulacres des ersatz présidentiels.
On l’a cru gaullien le soir de son élection de 2017 mais c’était un mème. On l’a vu au Congrès de Versailles, écrasé comme Sarkozy ou Hollande, par le faste monarchique des lieux, on l’a vu gesticulant en acrobate au stade de Krestovski à Saint-Pétersbourg pour la victoire des Bleus en 2018, on l’a vu avec Didier Raoult la semaine dernière scrutant un écran invisible comme le cliché célèbre d’Obama suivant la prise de Ben Laden avec son équipe. On l’a vu dans les rues de Jérusalem, imitant Chirac jusqu’à l’accent.
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L’écrivain Jérome Charyn a inventé un mot pour désigner le « besoin pathologique de se mettre constamment en scène ». C’est le mot « mytholepsie », une sorte de dérèglement de la représentation de soi qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles mises en scène, à changer d’angles et de discours, si bien qu’il devient impossible de distinguer le vrai du faux, le personnage et son modèle.
Macron c’est le « président mytholepse », un atelier théâtre à lui tout seul. Il joue tous les rôles à la fois comme au temps du lycée.