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" Quelles sont les atouts du médiocre qui lui permettent d’accéder au pouvoir ?
Calculer. Abdiquer sur d’éventuelles convictions. Faire siens les termes et discours d’intérêts de plus puissants que lui. Se penser toujours en fonction de l’échiquier où il se trouve. Parler la langue qui est douce aux oreilles de ceux qui peuvent lui faire gravir des échelons. Jouer le jeu, selon cette expression mafieuse qui suppose l’existence de règles floues et souvent changeantes en marge des modalités formelles et des principes éthiques. Du point de vue managérial, c’est maîtriser la métrique, le formatage, l’uniformisation d’une pensée se déployant toujours à plus vaste échelle. La volonté ou la nécessité de rendre interchangeables les agents d’une structure productive.
La mondialisation des structures industrielles et commerciales toujours plus restreintes en nombre, mais à la portée toujours plus grande, explique par exemple que gestionnaires, employés et clients fonctionnent dans des restaurants-minute selon les mêmes processus au Texas ou à Nagano. On n’a plus de métiers, mais des fonctions. D’abord en usine, c’est archi-documenté, mais aussi dans l’univers bureaucratique, dans les services et le tertiaire, et puis à travers des processus de consommation uniformisés. Les goûts, les désirs, les affects, les sens font l’objet d’un puissant formatage. Du point de vue de la théorie des organisations, la gouvernance est en cause, c’est-à-dire la soumission de toute réalité sociale et politique à des impératifs de gestion.
Comment, à l’inverse, sont considérés ceux qui ne sont pas médiocres et comment cherche-t-on à les soumettre aux codes de la médiocratie ?
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Le médiocre volontaire s’abreuvera dans ce vocabulaire pour parler la langue du moment, quitte à en changer dès lors que les modes passeront. Le sujet résistant se braquera au point d’être inemployable et de se donner la vie dure, rançon du fait de pouvoir se regarder dans la glace. Le médiocre qui s’ignore souffrira de ce vocabulaire souvent puéril, insignifiant ou pauvrement managérial et s’en remettra aux psychotropes pour continuer à marcher droit, en se reprochant ses anomalies.
je m’emploie à faire comprendre à ceux de mon entourage professionnel qui s’entêtent à utiliser l’oxymore idéologique de « développement durable » [...] qu’il vaudrait mieux, même s’il s’agit encore de s’y opposer pour ma part, traduire l’expression de référence sustainable development par « exploitation endurable ».
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Par rapport au terme "extrème centre" :
"il s’agit d’un extrême au sens où l’extrémisme en politique n’a pas seulement trait à l’endroit où vous poussez le curseur sur l’axe gauche-droite, mais à une attitude générale : se montrer intolérant à tout ce qui n’est pas soi."
C’est à notre tour, désormais, d’altérer fondamentalement le régime établi en s’affranchissant collectivement de la ploutocratie, de l’oligarchie et du totalitarisme financier.
Un bouquin de philo de 342 pages résumé en une image.
Une passionnante interview de la philosophe Barbara Stiegler sur la nature et les origines de l'idéologie néolibérale.
Éclairant sur l’époque qu'on vit.
Voir son livre : «Il faut s'adapter» : Sur un nouvel impératif politique
(livre qui semble toutefois très ardu à aborder)
[Edit]
Quelqu'un a fait une bonne sélection d'extraits (merci) sur OpenNews, je les colle ici :
«les Lumières, en rupture avec une conception traditionnelle ancienne insistant sur le respect de l’autorité, avaient donné un nouveau contenu à l’éducation, qu’elles avaient corrélé à l’émancipation, l’autonomie et l’esprit critique. Le nouveau libéralisme remet profondément en cause cet héritage des Lumières. Et il le fait justement au nom de l’« autonomie », qui signifie en réalité le plus souvent l’« adaptabilité » face au changement.»
« les compétences de base d’un programme éducatif deviennent la flexibilité, l’adaptabilité, l’employabilité.»
« L’enjeu n’est plus du tout d’être capable de critiquer l’ordre en place, de s’émanciper par rapport à des tuteurs, comme disait Kant. L’enjeu central est l’adaptation. Tout ceci montre que le néolibéralisme est bien plus qu’une théorie économique, ce à quoi on le réduit trop souvent. C’est bien plutôt une théorie politique complète»
«Lorsqu’on réduit le néolibéralisme à un complot de financiers prédateurs et de capitalistes sauvages, on sous-estime complètement sa puissance culturelle. On ne réalise pas que son hégémonie va beaucoup plus loin et qu’elle pénètre l’intimité de nos propres esprits.»
«Pour le néolibéralisme, on l’a vu, l’Etat doit revenir dans le jeu, par une politique de l’éducation, mais aussi par une politique de santé qui transforme l’espèce humaine pour lui donner plus de compétences. Si le terme de transhumanisme n’existe pas à l’époque, Walter Lippmann dit qu’il faut investir dans la santé et dans un eugénisme intelligent qui améliore ce qu’il appelle « l’équipement » de l’espèce humaine.»
«« l’agenda » du néolibéralisme, qui n’entend rien moins que transformer l’espèce humaine, implique une prise en main relativement autoritaire des populations. […] de se servir de la démocratie et de l’élection comme d’un outil pour obtenir le consentement des populations à leur transformation.»
«La démocratie devient une technique de fabrication du consentement des masses »
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/Il-faut-s-adapter
« Comme l'a montré Spinoza, la meilleure manière de dominer les hommes, c'est de les rendre tristes. »
Excellent article qui mérite d'être lu en entier. Pas mal d'idées que je partage, notamment sur Nuit Debout.
Certaines réflexions que je n'avaient pas, mais qui méritent de s'y pencher.
Un extrait :
« Pour moi, la démocratie doit nécessairement avoir un caractère agonistique, c'est-à-dire offrir la possibilité de choisir entre des projets différents. S'il n'y a pas de différence fondamentale entre les programmes présentés par les partis de centre-droite et ceux de centre-gauche, il y a bien un vote, mais pas de voix parce qu'il n'y a pas de possibilité de choix. »
Bien d'accord et c'est bien pour ça qu'on est dans un "piège démocratique" depuis 40 ans en France. On a eu le choix entre le néolibéralisme et ... le néolibéralisme. Tous les présidents français (de gauche "PS" et de droite) depuis 40 ans ont été néolibéraux. Niveau pluralité de choix on a vu mieux. :/
Citation intéressante, sur le FN :
« Un parti néonazi, comme Aube dorée en Grèce, aurait dû être interdit. En revanche, je ne crois pas que le Front national menace l'existence des institutions fondamentales de la démocratie. Ceux qui expliquent que le FN n'est pas un parti républicain ne sont pas cohérents. Si c'était vraiment le cas, il faudrait l'interdire. Le FN ne partage pas mon interprétation des valeurs de liberté et d'égalité pour tous. Pour autant, sa vision a une place dans le débat agonistique »