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Deux extraits (le reste vaut la lecture bien sûr) :
« Durant le confinement imposé par la pandémie, l’interruption brutale de la plupart de nos routines a modifié notre perception du monde et de son rythme d’évolution. En temps ordinaire, nous nous sentons constamment décalés par rapport à je ne sais quelle dynamique vraie qu’aurait en propre la réalité: nous avons toujours l’impression de manquer quelque chose de la course que le monde fait avec lui-même, de stagner dans un retard à la fois culpabilisateur et impossible à combler. Mais pendant la pause à grande échelle que nous avons vécue, nous sommes en quelque sorte devenus «synchrones» avec le monde. Pour une fois, il ne nous devançait pas. L’histoire s’était apparemment mise en hibernation. »
« l’individu peut désormais façonner son propre accès au monde depuis son smartphone [...] Il bâtit une sorte de monde sur mesure, de «chez-soi idéologique», en choisissant les communautés qui lui correspondent le mieux. [...] Se mettent ainsi en place ce que Tocqueville appelait des «petites sociétés», ayant des convictions et des pensées très homogènes, chacune choisissant sa cause: ces sortes de clans ne sont nullement des lieux de réflexions ou de débats contradictoires [...], mais les chambres d’écho des pensées collectives de groupes particuliers. »
Très intéressante interview de Fabrice Epelboin.
Si il y'a une seule émission que vous avez le temps d'écouter sur les gilets jaunes c'est celle-ci qu'il faut écouter.
Je rejoins complètement Epelboin à la fin quand il parle de communautarisme, c'est quelque chose que j'ai pu observer dans à peu près toutes les communautés ou mouvances que j'ai suivis de près ou de loin depuis une décennie.
Ces communautés au départ portent des valeurs et des idées tout à fait positives et "progressistes" (pour celle que j'ai suivis en tout cas). Mais elles finissent avec le temps par ne plus voir la vie qu'à travers le prisme des idées qu'elles défendent, par voir ceux qui n'ont pas 100% de leurs idées comme des ennemis. Par tomber dans une pensée en "tout noir tout blanc". Et par en perdre toute capacité à comprendre et écouter ne serait-ce qu'un peu le point de vue de l'autre (" l'autre" on le combat et il représente souvent l'ennemi absolu dans la communauté dont on fait partit). S'ensuit un auto enfermement et un "phénomène de radicalisation".
J'ai l'impression que la société est essentiellement composée de la sorte aujourd'hui. Plus personne ne se parle en dehors de sa ou ses communautés.
La communication à coup de buzz et de clash (réseaux sociaux) ne fait qu’amplifier le truc.
C'est tout à fait dommageable pour pleins de raisons et dangereux sur le long terme.