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Les dividendes versés par les entreprises du CAC 40 ont atteint un montant record de 57,5 milliards d’euros en 2021, rapportant notamment 2,4 milliards d’euros à la famille Arnault et 2 milliards au gestionnaire américain d’actifs Blackrock, a calculé l’ONG « Observatoire des Multinationales ».
« Noyé dans les profits » qui ont explosé par rapport à l’année 2020 plombée par le Covid-19, les groupes du principal indice boursier français ont « une nouvelle fois priorisé (leurs) actionnaires », accuse l’ONG dans son rapport annuel publié lundi.
Les dividendes, en hausse de 32% par rapport à 2020, s’ajoutent à une autre forme de gratification des actionnaires: les rachats d’actions visant à soutenir les cours en Bourse, de 23 milliards d’euros au total en 2021.
Après le groupe Arnault et Blackrock, l’Etat français est, avec 1,32 milliard d’euros, le troisième bénéficiaire des versements de dividende au titre des profits de 2021 -- devant les familles Bettencourt (890 millions) et Pinault (620 millions), détaille l’association.
« Environ un dixième de tous les dividendes » du CAC 40 revient à 16 familles liées historiquement à certains des plus grands groupes français comme LVMH, Hermès, L’Oréal ou Kering, selon l’ONG.
Par ailleurs, « la contribution fiscale des groupes du CAC 40 semble croître bien moins rapidement que leurs profits et leurs dividendes », relève l’Observatoire des multinationales.
Quelque 14% « de l’ensemble des filiales du CAC 40 sont localisées dans des paradis fiscaux », note le rapport, reconnaissant toutefois que « le degré de présence des grands groupes français dans ces juridictions (...) ne suffit pas à "prouver" à lui seul qu’il y ait évasion fiscale illicite ».
La rémunération moyenne d’un patron du CAC a, elle, progressé de 52% en 2021 pour atteindre 6,6 millions d’euros, après, là aussi, une année de crise sanitaire plus faible.
« La hausse entre 2019 et 2021 est de 26,4% », ajoute l’ONG, et « les dirigeants d’entreprises dont l’État est actionnaire figurent en bas de classement ». Le groupe Dassault est en tête, avec 44 millions d’euros de rémunération pour son directeur général.
En moyenne, une entreprise du CAC 40 a dépensé en 2021 65.300 euros par salarié (ce qui inclut notamment les cotisations patronales).
Rapporté à la rémunération des dirigeants, « les groupes du CAC40 sont de plus en plus inégalitaires », accuse l’ONG. Désormais, « un salarié moyen du CAC 40 doit travailler 139 jours pour gagner ce que son patron gagne en une seule journée », contre 108 jours en 2018.
« L’entreprise la plus inégalitaire » de l’indice est, selon l’association, le géant des centres d’appel Teleperformance, réunissant une rémunération « parmi les plus élevées » de son patron avec « un niveau de dépense par salarié très bas ».
"Alors que le gouvernement américain prévoit expressément que les entreprises qui procèdent à des rachats d’actions et distribuent des bonus seront exclues du plan de relance de 2 000 milliards de dollars qu’il s’apprête à mettre en place, que le gouvernement allemand demande à tous les groupes de renoncer à leurs dividendes et à leurs bonus, que le gouvernement suédois a interdit à ses banques de verser le moindre dividende cette année afin de préserver leur trésorerie, le gouvernement français ne demandait rien. Même pas sur les dividendes. "
" « Ce qui me frappe dans le discours de Bruno Le Maire, c’est cette mise en scène de la faiblesse de l’État vis-à-vis de certains. Le gouvernement remet en cause les acquis sociaux, le droit du travail dans les ordonnances. En revanche, il refuse de rétablir l’ISF ou même de remettre en cause les dividendes. Il porte une injustice sociale incroyable, à un moment où il y a besoin de montrer de la solidarité », relevait alors l’économiste et eurodéputée, membre de Place publique, Aurore Lalucq."
" Loin de financer les entreprises, les actionnaires sont devenus au contraire les grands bénéficiaires du capital, pour des montants toujours plus élevés. Le taux de distribution des profits atteint des records. Les entreprises françaises du CAC 40 figurent parmi les premières de la classe : en 2019, elles ont distribué 49,2 milliards d’euros de dividendes, soit en moyenne 58 % de leurs bénéfices"
" En se portant garant auprès d’un certain nombre d’entreprises, l’État tient d’une certaine façon le rôle normalement dévolu aux actionnaires : assurer la pérennité des groupes. Les experts du monde financier le reconnaissent sans difficulté. « Être aidé par l’État et verser en même temps des dividendes, cela fait bizarre », "
" BNP Paribas a confirmé, selon l’agence Reuters, qu’elle maintenait et son assemblée générale et le montant des dividendes prévus au titre de l’exercice 2019.
« La moindre des choses, ce serait d’interdire aux banques de verser des dividendes et des bonus et de leur demander de réinjecter ces sommes dans leur capital. [...] Après discussion avec le régulateur bancaire européen, elle demande aux banques européennes de ne pas distribuer de dividende ni de procéder à des rachats d’actions. Vendredi soir, la BCE a publié un communiqué pour demander aux banques «de geler toute distribution de dividendes et tout rachat d'actions au moins jusqu'au 1er octobre» "
" Pour justifier leur politique, les grands groupes avancent l’excuse des fonds de pension et des assureurs, qui doivent eux aussi « assurer le versement de retraite et de rente à leurs clients », la nécessité de maintenir un actionnariat stable, la crainte des OPA. Un argument sans valeur, selon Colette Neuville. « Je me suis longtemps battue contre tous les dispositifs de protection dans les sociétés. Mais en dehors des nationalisations, l’État a tous les moyens [décision de conformité de l’AMF, golden share, droit d’agrément] pour protéger les secteurs stratégiques, s’il le veut. » "