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Article on ne peut plus fondamentale pour comprendre notre société moderne. A lire.
Il s’agit aujourd’hui de retourner la liberté de l’individu contre l’État-providence et contre l’État de droit.
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« Le régime ultra-libéral investit et subvertit l’État ; il utilise sa puissance législatrice au service de la déréglementation et de la dérégulation générale. »
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le fait que le régime ultra-libéral se prétende post-politique ne signifie pas qu’il détruit l’État, seulement qu’il détourne l’État de sa fin politique. Il investit et subvertit l’État ; il utilise sa puissance législatrice au service de la déréglementation et de la dérégulation générale.
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« La société civile au pouvoir », c’est le refus d’un État politiquement actif, qui légifère pour prélever et redistribuer les richesses, ou pour corriger les inégalités, mais ce n’est pas le refus de l’État tout court. L’ultra-libéralisme n’est pas incompatible avec un État fort, voire répressif, parce que l’État fort peut être un outil extrêmement puissant pour imposer la dérégulation
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Dans la doxa ultra-libérale, ce qui doit être renvoyé au passé, c’est la figure du citoyen, qui est une part du corps politique. L’individu, qui est à lui-même une totalité, un « self made man », doit lui succéder.
Le « nouvel homme » est alors décrit comme un être essentiellement jeune, qui se définit par son inappartenance radicale : il n’est pas du vieux monde ; il n’est d’aucun corps politique, d’aucun parti ou syndicat. Il ne s’inscrit pas dans le monde du travail, mais dans le monde de l’entreprise.
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« L’ultra-libéralisme fait flamber la guerre des générations pour mieux détourner nos regards du véritable enjeu, qui est la production d’une impuissance collective par le délaissement du politique. »
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Nous n’avons pas affaire à une dépolitisation qui serait le fruit d’un simple désintérêt subjectif ou qui viendrait du désinvestissement d’une génération. Nous vivons depuis cinquante ans un processus historique de manufacture de l’homme apolitique, dont l’homme contemporain est le produit fini. Cet homme, qui jouit d’une chimérique liberté post-politique, est nécessaire au développement de l’ultra-libéralisme.
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Aujourd’hui, la question n’est pas d’opposer les intérêts d’une génération à une autre – les luttes sociales aux luttes écologiques par exemple – mais de savoir comment on peut passer de l’atome à la structure, et de l’individu à la conscience collective, pour se remettre à agir.
Livre : Caëla Gillespie (philosophe), Manufacture de l’homme apolitique, éditions du Bord de l’eau
« On peut voir ce qui se passe au Capitole comme la faute d'un homme, mais j'y vois aussi la faillite d'un système électoral à bout de souffle qu'Internet et les réseaux sociaux rendent insoutenable. On a créé une machine à nous diviser entre clans qui se détestent, et ne croyons pas que c'est pas aussi le cas chez nous.
La façon dont les partis et leurs militants se vautrent dans une haine de l'autre camp était déjà effrayante ici dès la campagne 2017, et ça n'a fait qu'empirer depuis, et j'ai très peur pour 2022. L'élection, qui était un mode pacifiste de résolution des conflits au sein de la société, est en train de devenir un catalyseur de mensonges, de mauvaise foi, de manipulations en tous genres, que l'on voyait déjà avec les médias de masse, mais loin de l'échelle permise par les réseaux sociaux où ceux qui se ressemblent s'assemblent, et voient tous ceux qui diffèrent comme l'adversaire.
Vous savez cette phrase, "les méchants sont bêtes, ils croient que les méchants c'est nous", bah l'élection + les réseaux sociaux, c'est le cocktail parfait qui fait que tout le monde pense ça en regardant les autres militants politiques, et que la défaite est devenue une idée insupportable.
Est-ce que ça veut dire qu'il faut ne plus élire ? Non, mais il faut sans doute revoir en profondeur les modes de scrutin, les pouvoirs associés aux mandats, leur fréquence, leur durée, les contre-pouvoirs, etc., pour introduire par nos institutions bcp plus de compromis et de dialogue qu'aujourd'hui, pour donner plus de place à la consultation citoyenne sur des sujets de débat précis et non sur des hommes et des femmes qui doivent se prononcer sur tout à notre place, etc.
Bref, il faut fonder une démocratie du 21e siècle, adaptée aux modes de communication du 21e siècle. Ou ce qu'on voit au Capitole, on le verra partout. »